La province du Sud Kivu a connu plusieurs années de conflits au cours desquelles des crimes internationaux et des violations graves des droits humains ont été commis par des groupes armées et des éléments de forces loyalistes. Afin de consolider la paix et de restaurer l’Etat de droit, il est essentiel que les auteurs de ces crimes imprescriptibles répondent de leurs actes et que les victimes obtiennent justice et réparations.
Afin de répondre à toutes les violations commises sur plusieurs années dans un contexte particulièrement complexe, le gouvernement congolais à travers la justice militaire s’est engagé dans un processus de lutte contre l’impunité. Depuis 2015, il était apparu nécessaire de définir une stratégie provinciale de priorisation des poursuites, c’est-à-dire d’élaborer une liste de dossiers qui seraient poursuivis de manière prioritaire.
Faisant suite, entre 2015 et 2020, 16 dossiers ont été priorisés au Sud Kivu ; 6 dossiers ont été jugés au premier et dernier degré tandis que 9 ont été jugés au premier degré seulement. Il s’agit d’un résultat majeur de la lutte contre l’impunité en matière de crimes internationaux au Sud Kivu.
Résultat majeur dans la lutte contre l’impunité mais des victimes pas rassurées
En date du 11 Janvier 2021, le Tribunal Militaire de Garnison de Bukavu a condamné à 20 ans de servitude pénale l’ex chef milicien, TAKUNGOMO MUKAMBILWA Le Pouce pour crimes contre l’humanité commis dans les villages Migamba, Bungundu et Nyamingilingili en territoire de Mwenga, province du Sud Kivu.
Contacté, Me Arsène MWAKA, un des avocats conseils chargé de l’assistance juridique et judiciaire des victimes au sein du Centre Africain pour la Paix, la Démocratie et le droits de l’homme ( ACPD ), ONG qui avait documenté les faits dans ce dossier, informe que : « pour le moment les victimes de ces trois villages sont toujours en fuite car leurs milieux sont encore occupés par les Maï Maï du groupe Charlequin, bras droit de TAKUNGOMO. ».
Il ajoute que les victimes sont encore traumatisées et que l’Etat congolais doit les sécuriser et surtout leurs villages, afin qu’ils reprennent leurs activités quotidiennes comme par le passé.
Inexécution des jugements, une épine dans le pied de la lutte contre l’impunité
Les juridictions militaires, se sont saisi de plus d’une dizaine des dossiers prioritaires pour crime de droit international, prononçant pour les uns de condamnations en premier et dernier ressort et le versement de dommages et intérêts pour les victimes.
Cette apparence de justice est pourtant mise à mal par la réalité des statistiques d’exécution de ces réparations. A ce jour, aucune des victimes dans ces dossiers jugés en dernier ressort n’a obtenu le paiement de ces dommages et intérêts. Les conséquences psychologiques, sociales et financières de cette absence effective de réparation pour les victimes sont indicibles. Elles viennent s’ajouter aux préjudices déjà subis et aux risques sécuritaires qu’implique la condamnation des auteurs.
C’est le cas des victimes dans l’affaire Migamba, signale Me Arsène MWAKA : « pendant que les victimes voulaient regagner leurs villages, elles se sont buttées à des blocages orchestrés par les hommes de Charlequin, complice de TAKUNGOMO. Actuellement certaines victimes ont trouvé refuge à Kitutu et les autres à Kamituga ».
Encore des attentes pour les victimes
La justice est rendue dans les prétoires au nom du peuple et se doit donc, d’avoir sa confiance. La non-exécution des jugements rendus, crée un déficit très important de confiance de la majorité de la population envers le système judiciaire militaire.
Nombreux, sont ceux qui pensent que la lutte contre l’impunité en matières de crimes internationaux dans l’Est de la RDC a pour seul objectif la condamnation de seuls auteurs arrêtés au détriment des victimes qui doivent recevoir réparation.
Des réparations effectives et rapides, telle est la demande spécifique des communautés et des groupes de victimes sur le terrain. Il apparaît donc important que l’objectif de réparation soit entendu au-delà d’une simple condamnation (décision judiciaire).
Article rédigé avec l’appui et le soutien financier de RCN Justice & Démocratie dans le cadre du projet «soutenir les efforts de la lutte contre l’impunité en RDC ».