La poursuite en justice des auteurs de violations ou abus des droits humains, constitutifs en infraction des crimes de droit international est un devoir de l’État (justice) envers la société congolaise et plus particulièrement les victimes et communautés de ces violations.
Une justice efficace est un facteur important de dissuasion pour prévenir de futures violations et constitue une fondation pour la paix et la stabilité. Après des décennies de conflit dans la partie Est du pays, la RD Congo s’efforce d’établir un système qui systématise et enracine la poursuite et responsabilité pénale des auteurs de crimes internationaux.
La volonté, à elle seule ne suffit pas; le gouvernement doit encore fournir des efforts.
Entre 2015 et 2020, le gouvernement de la RDC a montré sa volonté de redoubler d’efforts dans la lutte contre l’impunité. Cet engagement s’est illustré par l’adoption des plusieurs dispositions législatives et instruments institutionnels en faveur d’un meilleur fonctionnement de la justice, ainsi que par des poursuites des certains auteurs de crimes de masse au Sud Kivu, conduisant à la conclusion d’une stratégie de priorisation des poursuites (liste des dossiers à poursuivre de manière prioritaire) et à la condamnation de ces auteurs.
Toutefois de nombreux obstacles à une justice efficace persistent. Le cadre juridique reste insuffisant, et le manque d’indépendance et de ressources du système judiciaire demeurent des entraves importantes à la poursuite d’auteurs de crimes de masse. Les difficultés à traduire en justice une catégorie d’auteurs de ces actes (hauts gradés dans l’armée) et à assurer l’exécution de leurs peines ont également un impact néfaste sur la protection des victimes et des témoins.
Malgré un environnement sécuritaire et politique précaire et volatile, la stratégie de priorisation des poursuites au Sud Kivu a connu des résultats notables. Durant la période examinée, 16 dossiers ont été priorisés au Sud Kivu dont 6 ont été jugés en premier et dernier ressort, et 9 autres au premier degré; sans des réparations effectives pour les parties civiles dans les six dossiers jugés en dernier ressort.
Lutte contre l’impunité : des tâches noires à corriger.
En territoire de Kabare, où sont localisées quelques parties civiles aux procès de crimes de masse, l’impression générale est que la lutta contre l’impunité au Sud Kivu n’a comme seul objectif de condamner les auteurs arrêtés à la servitude pénale au détriment des victimes qui doivent être remis dans leurs droits.
Selon une victime dans le dossier Chance Muhonya, rencontrée dans un village du groupement d’Irhambi-Katana et qui a requis l’anonymat : « c’est une déception totale; aucune victime n’a reçu réparation à ces jours ! »; Elle va loin en proposant à d’autres victimes de garder silence, soit régler les comptes avec les agresseurs que d’aller en justice.
Position soutenue également par le président du mouvement citoyen OBAPG, Mr OGANZE Déo qui jadis avait sensibilisé certaines victimes à s’en remettre à la justice car celle-ci le remettrait dans leurs droits.
Le président de la société civile de Kabare, quant à lui invite les communautés à la patience. Il indique que : « la désolation est là, mais les actions citoyennes pourront se poursuivre pour amener le gouvernement à matérialiser les condamnations aux réparations. Cela éviterai de cas de justice populaire et des arrangements à l’amiable ; deux pratiques proscrites ».
La poursuite des crimes internationaux par les juridictions militaires nécessite la confiance de toutes les parties prenantes à tous les stades de la procédure. Si la tenue des audiences foraines et le prononcé de décisions judiciaires améliorent quelque peu le sentiment de confiance en la justice, cette dernière reste fragilisée par la non-exécution des décisions de réparations.
Les conséquences psychologiques, sociales et financières de l’absence effective de réparation pour les victimes sont indicibles. Elles viennent s’ajouter aux préjudices déjà subis et aux risques sécuritaires qu’impliquent la condamnation des auteurs.
Il apparaît impérieux que l’objectif de réparation « adéquate, effective et rapide » soit atteint à court terme par le gouvernement congolais afin de remettre les différentes victimes de crimes internationaux dans leurs droits ; cela rendrait complet le processus judiciaire de la lutte contre l’impunité.
Article rédigé avec l’appui et le soutien financier de RCN Justice & Démocratie.
Par FURAHA CHITERA