Le projet « Soutenir les efforts de la lutte contre l’impunité en République Démocratique du Congo » a fait l’objet d’une conférence-débat le 24 Février 2022 dans la Salle Saint Pierre Claver à Kinshasa. Cette conférence-débat a eu pour objet de relayer les points marquants et constats issus de trois années de mise en œuvre dudit projet.
Financé par l’Union européenne, ce projet est mis en œuvre par le consortium Avocats Sans Frontières, RCN Justice & Démocratie et TRIAL International ; avec pour objectif de contribuer aux efforts de lutte contre l’impunité en RDC en renforçant l’accès à la justice des personnes et communautés victimes de crimes internationaux.
Les participants constitués de personnalités impliquées dans la justice pénale internationale, ont tablé sur les bilans et perspectives de la lutte contre l’impunité des crimes internationaux en République Démocratique du Congo, issus de trois années de mise en œuvre du projet.
Dans son mot de bienvenu, Briant MENELET, Chef de Mission RCN J&D en RDC, a déclaré que cette conférence-débat était le moment de dresser les perspectives.
« Nous sommes quelque part au milieu du gué, le rapport Mapping qui couvre les années 1993 à 2003. Nous sommes en 2022, et que malheureusement après 2003 des crimes à caractère international ont continué à se perpétrer et ne font pas aujourd’hui objet de priorisation des poursuites. Nous allons regarder dans le rétroviseur pour savoir ce qui a été fait, dans quelles circonstances et avec quel achèvement. Mais aussi se tourner droit vers l’avenir et interroger ce qui pourrait ou devrait être fait en matière de justice pénale internationale », a-t-il dit en substance.
Prenant la parole à son tour au nom de Madame la ministre d’Etat, ministre de la justice, le conseiller Charles s’exprimé en ces mots :
(…) Les crimes internationaux constituent un fléau et beaucoup plus particulièrement pour la RDC qui en a payé le lourd tribut. C’est donc, un mal à éradiquer et heureusement nous sommes sur cette lancée. La RDC essaye de faire des efforts dans ce sens. (…) effectivement, la RDC a fourni beaucoup d’efforts dans la mesure de ses moyens pour endiguer tant soit peu ce mal, d’abord en coopérant avec la Cour Pénale Internationale en transférant devant cette Cour, les criminels que la RDC n’était pas en mesure de poursuivre elle-même. Mais aussi en faisant un travail sur le terrain, nous devons en ce moment-là louer les efforts des juridictions militaires qui nous ont beaucoup aidés à poursuivre certains criminels et nous avons eu à la suite des efforts fournis par les juridictions militaires à travers certaines jurisprudences. Nous louons les efforts fournis par des acteurs qui nous aident dans ce domaine de lutte contre la criminalité beaucoup plus particulièrement des crimes internationaux. Nous voulons ici parler des organisations internationales qui ont aidé la RDC notamment ASF, PNUD, Trial International et beaucoup d’autres. Il y a eu aussi beaucoup d’efforts fournis par les juridictions congolaises. Parce qu’au début c’était un tâtonnement, au fur et en mesure on a amélioré la jurisprudence congolaise. Aujourd’hui grâce aux efforts des formations qui ont été données par certaines organisations internationales et par l’Etat congolais bien sûr, on est arrivé à avoir des acteurs bien formés et qui aujourd’hui font un travail remarquable salué par la communauté internationale. Enfin, nous voudrons dire que le mal est encore là. Et ce mal demande qu’il soit éradiqué une fois pour toute. Quand nous voyons ce qui se passe dans l’Est de la RDC, en Ituri, à Beni et ailleurs on se rend compte qu’il y a encore à faire. Nous très content d’être devant pour essayer de voir ce qui a été fait, ce qui a encore à faire pour qu’ensemble nous puissions tirer les conséquences de voir ce que l’on peut encore faire », déclaré Charles CUBAKA CICURA, avocat et conseiller juridique de Madame la ministre d’Etat, ministre de la justice Rose MUTOMBO KIESSE.
Les 3 temps forts de cette conférence-débat
Le premier temps fort de cette conférence-débat a été la présentation sur les avancées et obstacles de la lutte contre l’impunité de crimes graves en référence au rapport de l’étude sur la stratégie de priorisation des poursuites dans l’Est de la République Démocratique du Congo (2015-2019).
Cette étude menée par PNUD a été présentée par le représentant du Groupe Thématique Justice et Droits Humains/Ministère de Justice Justus TSHIKONA. Ce dernier brossé les objectifs et la méthodologie de l’étude avant de dire en quelques mots en quoi consiste le processus de priorisation des poursuites. Il a donné les résultats de manière très succincte des principaux résultats auxquels l’étude a abouti en évaluant la stratégie de priorisation. Il a ensuite cité tour à tour quelques facteurs qui ont influencé la stratégie au niveau de certaines provinces. Il a enfin rappelé à l’intention des participants les principales recommandations des différents acteurs qui sont impliqués.
« L’objectif de l’étude consistait avant tout à évaluer la stratégie de priorisation des poursuites des crimes internationaux commis dans l’Est de la RDC mais aussi de documenter les résultats obtenus de ces stratégies, d’analyser les facteurs de succès et d’échecs et tirer les leçons apprises mais surtout de résumer quels sont les recommandations qui peuvent permettre l’amélioration de la stratégie de priorisation des poursuites. En termes de méthodologie, ce que je peux dire ce que nous avons procédé par une collecte des données qui sont à la fois quantitatives et qualitatives (…) », A-t-il laissé entendre
Le deuxième temps fort a été l’exposé du professeur Luc HEKENBRABRANT sous le thème : Lutte contre l’impunité des crimes graves en RDC : Quelles perspectives pour une justice transitionnelle réussie ?
« il n’y a quasi aucune des violations graves des droits humains et du droit international humanitaire commise en RDC entre 1993 et 2003 qui a fait l’objet des poursuites pénales. Et pourtant, pour cette période, le rapport Mapping a établi un inventaire, une cartographie de l’ensemble des violations commises. Au total 617 incidents violents toujours compris dans ce rapport qui distingue principalement deux grandes périodes : la première guerre du Congo 1996-1999. Et le rapport répertorie 238 incidents violents, c’est-à-dire le plus grand nombre de toute cette décennie (…). Pour la deuxième guerre d’août en 2002, elle est caractérisée par des interventions des armées étrangères des pays voisins sur le territoire de la RDC. Le rapport Mapping répertorie 200 incidents. Depuis 1993, l’impunité reste la règle. Cette pratique de l’impunité à un impact sur la consolidation de la paix. Moi-même j’ajouterai que les poursuites pénales priorisées, appuyées, financées n’ont pas contribué à la mise en œuvre jusqu’à présent d’une justice transitionnelle s’inscrivant dans un processus de consolidation de la paix en RDC. C’est un bilan très largement négatif qui invite à une réorientation radicale de la stratégie de poursuite des crimes internationaux », a-t-il martelé.
A son tour, Dominique KAMWANDU Coordinateur Technique et Stratégique/Avocats Sans Frontières, a dans son intervention présenté les activités réalisées et les résultats atteints du projet (données jusqu’au 31 Décembre 2021). Dans son speech, il a indiqué que « l’offre de justice a été amélioré pour répondre plus efficacement à la répression des crimes internationaux.
« Et dans tous ces résultats la première activité a consisté à l’appui technique aux juridictions civiles et militaires et à leur collaboration. Et cela est passé d’abord par le renforcement des capacités, donc trente magistrats civils et militaires particulièrement du Nord-Kivu et du SudKivu ont bénéficié des activités de formations. Et la deuxième activité a consisté à l’appui aux audiences foraines. Entre 2016 et 2021, 19 audiences foraines ont été soutenues et clôturées au premier degré avec des décisions Aussi pouvons retenir que le projet a permis de former 30 journalistes sur la justice pénale en matière de crimes internationaux qui ont pu produire à la date susmentionnée au moins 75 articles de fonds sur les différentes procédures ; 9 clubs quant à eux, ont été organisé dans les milieux de commissions de faits pour sensibiliser les communautés ».
Le troisième temps fort a été centré sur les réflexions et les perspectives d’avenir. Les participants à cette conférence-débat ont eu droit à un jeu des questions réponses sous le contrôle du modérateur du jour.
Article rédigé avec l’appui et le soutien financier de RCN Justice & Démocratie.
Par
Eugide ABALAWI