Depuis le XVIIe siècle, en Occident, une certaine philosophie humaniste, puis existentialiste a révolutionné la condition féminine à travers un mouvement appelé « féminisme ». De quoi est-il question ? Il s’agit d’un ensemble de mouvements et d’idées politiques, philosophiques et sociales qui partagent un but commun : définir, établir et atteindre l’égalité politique, économique, culturelle, personnelle, sociale et juridique entre les femmes et les hommes.
Dans un environnement occidental caractérisé par une domination asymétrique des hommes sur les femmes, le but a été d’abolir les inégalités en droit et en dignité entre l’homme et la femme et ouvrir à celle-ci les espaces dont elle fut longtemps exclue.
Comment le mouvement s’est-il développé et où en sommes-nous aujourd’hui ?
Dans l’évolution du mouvement féministe, la lutte pour l’égalité a pris diverses tournures idéologiques suivant une quadruple dimension du concept d’égalité :
- Equité: Egalité juridique avec plus de faveurs pour la femme compte tenu de sa condition (discrimination positive),
- Complémentarité: Egalité juridique, métaphysique et éthique avec reconnaissance des différences et des spécificités (l’homme et la femme),
- Parité: Egal accès aux postes de prise de décisions et de commandement (l’homme avec/ à côté de la femme),
- Identité: Pas de différence entre l’homme et la femme, ils sont interchangeables (l’homme est la femme),
Ainsi, le féminisme est devenu hétérogène selon les sensibilités des uns et des autres au point d’aboutir à des plans d’action multiples et variés. Si le féminisme de premières heures s’est essentiellement battu pour la reconnaissance et l’égalité juridique entre la femme et l’homme, celui de la deuxième génération s’est focalisé sur l’autonomisation, l’autocontrôle de la femme conditionnée par la compétitivité et l’accès à l’emploi ainsi que le droit de la femme à posséder son corps.
La maternité et le mariage furent décriés comme lieux privilégiés de précarisation de la femme. L’aboutissement de ce nouveau combat a été la libération de la femme de la grossesse, de la nécessité du mari dans l’acte procréateur et de la famille comme lieux de son « hétéronomisation ».
Aussi émergèrent des nouveaux droits (droit à la contraception, droit à l’avortement. Cf. Conférence du Caire, Protocole de Maputo pour l’Afrique) et apparurent de nouvelles techniques d’autonomisation de la femme issues du développement biotechnologique (Fécondation In Vitro, Gestation Pour Autrui).
Le combat faisant son cours, les travaux du psychologue américain John Money, ont été idéologisés depuis les années 80, aux USA, donnant lieu à un féminisme de type libéral séparant radicalement le sexe du reste du corps. Pour cette nouvelle mouvance, étant donné que les discriminations viennent de la distinction binaire des sexes (masculin et féminin), il faut le supprimer et promouvoir la fluidité des genres et l’indifférenciation des sexes.
On n’est plus homme ou femme puisqu’on a un pénis ou un vagin, mais puisqu’on se sent homme ou femme. Dès lors, on peut se choisir son genre (l’orientation sexuelle ressentie) indépendamment de la réalité biologique car le sexe ne déterminerait rien de l’identité de la personne. Chacun est du sexe qu’il ressent puisque tout est socialement construit. C’est l’avènement du Gender.
Le sexe disparait au profit du Genre entendu comme orientation sexuelle. La théorie du Gender a eu pour conséquence immédiate la légalisation de l’homosexualité, du mariage pour tous et la reconnaissance de nouveaux genres : Lesbien, Gay, Bisexuel, Transsexuel, Intersexué (LGBTI). Aujourd’hui, il se profile un nouveau type de féminisme qualifié de néo/post-féminisme. Celui-ci se réclame Queer et prône l’indétermination sexuelle : ni mâle ni femelle, l’un ou l’autre ou les deux à la fois.
Et l’Afrique (la RDC) dans tout ça ?
Il faut reconnaitre qu’en Afrique il y a encore beaucoup à faire dans le domaine des droits de la femme, surtout en ce qui concerne l’égalité effective des droits de la personne. Bien des lois discriminatoires sont à abolir afin d’accorder à la femme les mêmes chances que l’homme. Le combat féministe occidental doit à cet effet nous inspirer. Cependant, devons-nous tout prendre ?
Certes, nous avons des leçons à tirer du féminisme et du Gender. Néanmoins, nous devons avoir à l’esprit qu’ils sont nés et se sont développés dans un environnement occidental, anthropologiquement individualiste et conflictualiste, où seul le droit fait société. Or cet individualisme contraste avec la société africaine essentiellement communautariste compte tenu de ses us et coutumes. La famille y occupe une place de choix.
Pourtant, l’intérêt que manifestent le féminisme radical et particulièrement le Gender en faveur de l’indifférenciation sexuelle, de la rivalité sexuelle et du mépris du mâle montre qu’ils n’ont pas évolué dans le sens de promouvoir et protéger la famille hétérosexuelle.
L’égalitarisme sexuel prêché par ces théories brise les liens qui rattachent les femmes aux hommes dans le mariage à savoir la complémentarité. On se refuse de montrer que le mariage et la famille sont un lieu de complémentarité, d’altérité et d’épanouissement.
Un féminisme africain (congolais) est-il possible ?
Dans la mesure où le communautarisme et non l’individualisme constitue le socle anthropologique de nos sociétés, il nous faut créer un féminisme adéquat à notre contexte. C’est-à-dire un féminisme respectueux et promoteur de la famille. L’altérité et la complémentarité ont toujours constitué les assises de la famille africaines (congolaise) au point que copier sans prudence ni critique une idéologie étrangère à notre contexte serait mortifère. Ce qu’il faut pour l’Afrique (la RDC), ce n’est pas la confusion des genres. Nous avons plus besoin d’un féminisme de la défense des droits de la femme entant que personne humaine jouissant des mêmes droits et de la même dignité que l’homme sans méconnaitre leurs justes différences qui appellent à la complémentarité. Leur égalité de nature ne fait pas d’eux des êtres autosuffisants et interchangeables.
Au lieu de militer désespérément pour un égalitarisme et une indifférenciation des sexes dans l’optique du Gender, le féminisme africain (congolais) devrait travailler pour l’amélioration des relations entre l’homme et la femme. Cela passe à la fois par la revendication et le respect des droits des uns et des autres, mais aussi dans l’accomplissement des devoirs qui incombent à chacun. Un féminisme des droits sans devoirs est incomplet. Et le féminisme africain (congolais) devrait relever ce défi en changeant de paradigme.
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Etienne Mulindwa