Le projet « Soutenir les efforts de lutte contre l’impunité en RDC » exécuté en consortium par les organisations Avocats Sans Frontières, Trial International et RCNJustice et Démocratie a abouti à d’importants résultats en ce qui concerne notamment l’amélioration des aspects en termes de l’offre et de la demande de justice.
Les résultats sont principalement orientés vers l’augmentation de l’activité judiciaire, la nature des poursuites et des décisions, la qualité intrinsèque des décisions judiciaires, le respect et la protection du droit à un procès équitable, les mesures de protection des victimes et des témoins mais aussi le taux de confiance de la population dans le système judiciaire.
Ces résultats qui ressortent de la stratégie de priorisation des poursuites ont été présentés au cours d’une conférence-débat tenue à Kinshasa en date du 24 février sur le thème « bilan et perspectives de la lutte contre les crimes internationaux en RDC.
Au cours de cette activité, Justus TSHIKONA du groupe thématique Justice et Droits Humains au ministère nationale de la justice a présenté le rapport de l’étude sur la stratégie de priorisation des poursuites.
Il en ressort que les stratégies provinciales des poursuites ont contribué à l’augmentation de l’activité judiciaire à travers des missions d’enquêtes et d’audiences foraines conduisant à des décisions judiciaires.
Justus TSHIKONA précise la moyenne des décisions judiciaires par an est montée à 7 pour la période allant de 2016 à 2019 contre 2,8 pour la période allant de 2005 à 2015. De manière particulière, l’année 2018 a été plus productive soit 12 décisions judiciaires contre 7 pour l’année 2017, poursuite notre source.
« sur les 21 décisions judiciaires rendues durant cette période, 20 concernaient des dossiers prioritaires… en effet, sur 47 dossiers prioritaires identifiés entre 2015/2016 dans les provinces du Nord-Kivu, Sud-Kivu et ex-province orientale, 21 pourcent ont fait l’objet d’une décision judiciaire définitive, 30 pourcent des dossiers ont été jugés au 1er degré et sont en attente de leur instruction en appel, 4pourcent font l’objet d’un procès et 32 pourcent sont encore dans la phase d’instruction, d’autres n’ayant connu aucune enquête à ce jour », explique Justus TSHIKONA, l’un des rédacteurs de ce rapport.
Dans cette activité judiciaire, le Sud-Kivu vient en tête avec 29 pourcent suivie du Nord-Kivu et la province orientale.
En rapport avec la nature des poursuites et des décisions, le rapport note qu’il y a eu des changements dans le statut des auteurs poursuivis.
Alors qu’avant les poursuites étaient particulièrement concentrées sur des miliciens, intégrés dans l’armée, pour des faits antérieurs à leur incorporation, la stratégie de priorisation a conduit à un rééquilibrage en terme de statut des présumés auteurs.
L’on retrouve désormais des dossiers à charge d’éléments des Forces Armées de la République Démocratique du Congo et de la Police Nationale Congolaise à côté de ceux concernant les miliciens pendant que d’autres concernent même des civils.
En ce qui concerne la qualité intrinsèque des décisions judiciaires, le rapport fait état de quelques améliorations teintées néanmoins de certaines erreurs et imperfections.
Il s’agit entre autre de l’utilisation d’un langage clair et intelligible, le respect des mentions obligatoires, la précision dans la présentation des faits, la précision du dispositif et la précision dans le rappel des moyens des parties.
Enfin en ce qui concerne le taux de confiance de la population dans le système judiciaire, le rapport révèle qu’en Ituri une tendance durable d’amélioration de la confiance de la population soit 74 pourcent de méfiance en 2015 contre 50 pourcent en 2019.
« même s’il est difficile d’en identifier des facteurs explicatifs solides, on peut supposer que la tenue d’audiences foraines et la condamnations d’auteurs de crimes relevant du droit international, matérialisation de la lutte contre l’impunité, aient été de nature à améliorer la confiance de la population. Au Sud-Kivu, une légère amélioration de la confiance est visible entre 2016 et 2019, ce qui correspond à la tenue de plusieurs procès emblématiques, notamment de la descente en 2018 de la Haute Cour Militaire à Bukavu pour juger en appel cinq dossiers prioritaires… la tendance au Nord-Kivu est stationnaire ; cette province se caractérise par un faible nombre de décisions judiciaires pendant toute la période sous revue… », lit-on dans ce document.
Malgré les résultats jugés positifs dans leur globalité au regard des anciennes tendances, des recommandations sont également formulées à l’endroit de différents acteurs pour aboutir à plus de résultats dans l’avenir.
Du côté du législateur, il est recommandé l’initiation d’une réforme globale et cohérente de la justice pénale qui intègre tous les volets liés à la poursuite et aux jugements des crimes de droit international et ce, en conformité avec les standards internationaux.
La modification du code judiciaire militaire afin de le mettre en conformité avec les standards internationaux, particulièrement sur la détention préventive et le droit à un procès équitable, notamment le droit au double degré de juridiction.
Une série de recommandations sont également adressées au gouvernement et au ministère de la justice. C’est notamment assurer la mise en œuvre de la Politique Nationale de Réforme de la Justice (PNRJ), investir des ressources financières et humaines importantes dans la lutte contre l’impunité mais aussi renforcer l’indépendance et l’impartialité des acteurs judiciaires.
Signalons qu’au cours de cette conférence, le professeur Luc HENKENBRANT est intervenu autour de la stratégie nationale holistique de la justice transitionnelle en République Démocratique du Congo.
Dans son intervention, ce dernier a mis en exergue la vision du Dr Dénis MUKWEGE tout en rappelant que l’on ne peut parler de justice sans penser au Rapport Mapping et, par ricochet, punir tous les auteurs épinglés comme ayant participé aux massacres à l’Est de la République Démocratique du Congo.
Représentant la ministre d’Etat et Ministre de la justice, son conseiller juridique Me Charles CUBAKA CIRURA a salué le travail abattu par les juridictions militaires dans la répression des crimes internationaux.
A ce sujet, Me Charles CUBAKA reconnaît que le travail reste encore énorme. Il encourage les efforts des organisations engagées à appuyer l’Etat dans le travail de lutte contre l’impunité des crimes graves et crimes internationaux tout en affirmant que le gouvernement ne manquera pas d’améliorer sa participation dans ce sens.
Article rédigé avec l’appui et le soutien financier de RCN Justice & Démocratie
Par : Etienne MULINDWA