Grincements de dents et panique chez les artisans de l’inanition de la Nation.
Longtemps attendue, la RD Congo a finalement son agence anti-corruption. L’Ordonnance présidentielle no 20/013 bis qui crée l’Agence de Prévention et de Lutte contre la Corruption (APLC) a été signée le 17 et publiée le 27 mars 2020.
Cette Agence va nécessairement faire mal, surtout dans le camp de ceux qui pendant 18 ans, avaient fait de la RD Congo l’un des pays les plus corrompus de la terre et pour qui la corruption, les détournements des deniers publics et le blanchiment des capitaux constituaient l’une des règles cardinales de gouvernance.
Comme il fallait s’y attendre dans un pays où tout le monde se dit juriste et tout juriste constitutionnaliste, l’on avait à peine lu le titre de l’Ordonnance présidentielle à la télévision nationale que les critiques se sont fait entendre.
Pour ces champions qui n’attendent même pas d’avoir vu un texte ni fini la lecture du premier paragraphe ou de la première page pour critiquer tout un livre, l’APLC était un monstre juridique dont la création s’était faite en violation de l’article 92 de la Constitution parce que, selon eux, il s’agissait d’un établissement public qui ne pouvait être créé que par un décret du Premier ministre.
Ce jugement était en fait de l’une de nombreuses hérésies auxquelles certains juristes et constitutionnalistes congolais nous ont habitués ces dernières années.
Le but ultime poursuivi est de bloquer et – avant même le corona virus – de confiner Président Félix Tshisekedi ou le mettre en « quarantaine » pour l’empêcher d’accomplir la mission qui lui a été confiée par le peuple souverain, celle de servir le Peuple d’abord.
Le problème des tambourinaires qui reprochent à l’Ordonnance présidentielle d’avoir créé un établissement public est qu’ils ignorent superbement ou qu’ils auraient plutôt oublié la différence entre un simple service public et un établissement public telle qu’elle est généralement enseignée dans le cours de Grands services publics de l’Etat dispensé en première année de licence en droit.
Le service public et l’établissement public sont deux notions bien connues de nos étudiants et sans vouloir refaire l’enseignement à l’intention de nos constitutionnalistes autoproclamés, l’on pourrait se limiter à quelques éléments qui permettent de différentier l’une de l’autre.
Premièrement, l’établissement public est un mode de gestion des services publics.
Deuxièmement, un établissement public est un service public personnalisé dans ce sens qu’il est doté d’une personnalité juridique. Il dispose d’un patrimoine et des organes propres qui le représentent et peuvent agir en justice en son nom. Les établissements publics sont soumis à une autorité de tutelle.
Ainsi, tout service public n’est pas un établissement public!
En outre, le simple fait qu’un service soit appelé « Agence » ne fait pas automatiquement de lui un établissement public.
Qu’en est-il alors de l’APLC que d’aucuns, y compris un Député national qui n’est pas juriste et qui avait été révoqué de ses fonctions de secrétaire particulier par notre ancien Président de la République, ont qualifié de monstre juridique créé en violation de la Constitution?
Nos « juristes de crises »- et le corona va en produire d’autres ! – qui font de la politologie en croyant faire du droit constitutionnel ont d’abord cru à tort que du simple fait d’être dénommée « Agence », l’APLC était devenue un établissement public et qu’un « service spécialisé » était un « service public personnalisé » et donc un établissement public!
L’APLC qui n’a pas de personnalité juridique et n’est soumis à aucune tutelle administrative n’est pas un établissement public même si elle s’appelle « Agence ».
Nos juristes ont ensuite péché par une lecture cavalière non seulement de l’article 92 de la Constitution, mais aussi de l’article 1er de l’Ordonnance présidentielle qui précise pourtant que l’APLC est un « service spécialisé », « créé au sein du Cabinet du Président de la République et sous son autorité ».
Par ailleurs, ils ont à leurs dépens ignoré le préambule de la même Ordonnance qui se réfère à l’Ordonnance no 09/003 du 30 janvier 2009 (telle que modifiée et complétée à ce jour) portant organisation et fonctionnement du Cabinet du Président de la République et qui dispose que ce cabinet qui émarge du budget de l’Etat (Article 20) comprend des « services spéciaux » (Article 3).
Il découle de ce qui précède que sans violer la Constitution et quelles que soient les dénominations, le Président de la République est en droit de créer des services spéciaux comme l’APLC et d’autres et les faire émarger au budget de l’Etat.
Les juristes connaissent bien les principes de présomption d’innocence et de bonne foi.
Pourtant, en ce qui concerne les personnes qui font toujours une course à la montre pour voir qui sera le premier à critiquer un acte du premier président congolais issu de l’alternance démocratique, les artistes et artisans de l’inanition de la Nation ainsi que leurs pseudo-constitutionnalistes ou constitutionnalistes par auto-proclamation, l’on serait tenté de parler d’une présomption de mauvaise foi pour au moins deux raisons.
Premièrement, l’Ordonnance crée un « service spécialisé » sans personnalité juridique au sein du Cabinet présidentiel et ne parle nulle part d’un établissement public. Où les clercs de l’inanition de la Nation sont-ils allés trouver l’établissement public ?
L’on avait cru que le « confinement » dans le cadre de la prévention et de la lutte contre le corona virus affectait uniquement les corps, l’on doit cependant se rendre à l’évidence qu’il n’épargne pas les esprits et finit par affecter le raisonnement intellectuel dans différents domaines, y compris celui du droit.
Nos pseudo-constitutionnalistes en sont victimes, ne pouvant pousser la réflexion loin des quatre murs des chambres ou des bureaux où ils sont confinés !
Aussi, sans une certaine fatigue ou cécité intellectuelle qui s’installe, ils se seraient facilement rendus compte que de par sa nature juridique, son organisation et son fonctionnement, l’APLC n’est pas un établissement public.
Deuxièmement, la mauvaise foi de la part des critiques qui se recrutent majoritairement dans les rangs du FCC et de ses agents périphériques dans les institutions ou de ses alliés stratégiques dans l’opposition est perceptible au sujet d’au moins trois ordonnances qui avaient été signées par Joseph Kabila lorsqu’il était Président de la République.
Il s’agit des Ordonnances ci-après :
– Ordonnance no 005/2003 du 31 janvier 2003 (telle que modifiée et complétée à ce jour) portant organisation et fonctionnement de la Maison civile du Chef de l’Etat ;
– Ordonnance no 15/079 du 13 octobre 2015 portant création, organisation et fonctionnement d’un service spécialisé au sein de la Présidence de la République dénommé « Agence pour le Développement et la Promotion du Projet Grand Inga », en sigle (ADPI-RDC) ;
– Ordonnance no 16/065 du 14 juillet 2016 portant organisation et fonctionnement des services du Conseiller spécial du Chef de l’Etat en matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption, le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
Et la Maison civile, et l’Agence du Projet Grand Inga et les ‘Services du Conseil spécial étaient créés au sein du Cabinet du Chef de l’Etat comme « services spécialisés » émargeant du budget de l’Etat et dotés d’un personnel par ordonnances présidentielles, non par décrets du Premier ministre !
La Cour constitutionnelle était en place et aucun de nos constitutionnalistes autoproclamés qui n’ont pas fini leurs études de droit aujourd’hui n’avait levé son petit droit pour dire que Joseph Kabila qui avait signé les ordonnances fixant leur organisation et fonctionnement en violation de la Constitution de la République !
Faisant preuve d’un sens élevé de nationalisme et de l’Etat que l’on avait rarement vu chez ses prédécesseurs qui procédaient plutôt au débauchage, Président Félix Tshisekedi a jusqu’à ce jour maintenu dans leurs fonctions Mr Bruno Kapanji et Prof Luzolo Bambi que Joseph Kabila avait nommés respectivement comme Chargé de mission de l’ADPI-RDC et Conseiller spécial en matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption, le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
Toutes les Ordonnances présidentielles se réfèrent aux articles 69 et 79 de la Constitution.
C’est grave qu’un constitutionnaliste digne de ce nom n’y trouve pas de fondement constitutionnel à l’action du Président de la République.
Il est tout aussi regrettable qu’un juriste soit estomaqué du fait qu’une Ordonnance présidentielle qui crée un service spécialisé à la Présidence de la République se réfère aussi à l’Ordonnance portant organisation et fonctionnement du Cabinet du Président de la République qui prévoit pourtant l’existence des services spécialisés (Article 3).
Curieux, aucun des constitutionalistes de l’inanition de la Nation n’avait jamais reproché quoi que ce soit aux Ordonnances du Président Kabila qui se référaient à une telle Ordonnance.
Les « services spécialisés » du Président de la République disposent d’un personnel. Ceux du Conseiller spécial en matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption, le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ont un personnel rémunéré de plus de 100 personnes et ce personnel est régi par des dispositions particulières.
Il est surprenant qu’alors qu’ils ne l’avaient jamais fait pour les Ordonnances signées par le Raïs, ces juristes qui confondent le droit administratif et le droit constitutionnel viennent invoquer la loi no 08/009 du 7 juillet 2008 portant dispositions générales applicables aux établissements publics – alors que l’APLC n’en est pas un – et la loi organique no 16/001 du 3 mars 2016 fixant l’organisation et le fonctionnement des services publics du Pouvoir central, des Provinces et des Entités territoriales décentralisées.
Le souci que nous causent les pseudo-constitutionnalistes congolais est qu’ils n’invoquent pas toujours les textes. Quand ils le font, ils choisissent rarement les textes adéquats et quand ils y arrivent, ils ne trouvent pas les articles qui s’y rapportent et qu’ils prétendent avoir été violés.
Dans le cas de l’Ordonnance créant l’APLC et d’autres services spécialisés de la Présidence de la République, ils ne vous diront jamais quelles dispositions précises ont été violées par les Ordonnances de Félix Tshisekedi, le mot d’ordre dans leur camp était de dénoncer simplement et la mission aura été remplie.
D’autre part, un bon constitutionnaliste ne saurait ignorer de nos jours les notions fondamentales du droit international public, particulièrement celles du droit des traités.
S’agissant particulièrement de l’ordonnance créant l’APLC qui invoque deux instruments internationaux, la Convention des Nations Unies et celle de l’Union africaine contre la corruption, nos pseudo-constitutionnalistes devraient savoir que la lutte contre la corruption dans un Etat relevant de son droit interne, aucune disposition du droit international n’interdit au Président Félix Tshisekedi de créer une agence anti-corruption par Ordonnance présidentielle.
Aussi, les lamentations au sujet de l’absence d’une loi de mise en œuvre de ces Conventions qui devrait preceder la signature de l’Ordonnance présidentielle révèlent au grand jour le déficit des connaissances en droit public international.
Les doctrines de monisme et de dualisme enseignées à nos étudiants de troisième année de graduat en droit sont largement ignorées.
La RDC comme plusieurs autres pays francophones ou de tradition romano-germanique adopte le monisme dans ce sens que les Conventions signées et ratifiées sont automatiquement incorporées et s’appliquent en droit interne sans qu’il faille adopter une loi particulière (Article 215 de la Constitution).
Cette situation est contraire à celle des pays anglophones dans lesquels le droit international et le droit interne sont considérés comme des droits différents et où une loi doit être adoptée en vue de leur domestication.
En ce qui concerne les missions de l’APLC, elles sont essentiellement les
mêmes que celles qui étaient dévolues aux services du Conseiller Spécial en matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption, le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
Certains membres de ces services avaient même le statut d’officier de police judiciaire (OPJ) à compétence générale.
Nos pseudo-constitutionnalistes reprochent à l’APCL d’être un service auxiliaire de la justice, ce qu’ils n’avaient jamais reproché aux services du Conseil spécial en matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption, le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
Aussi, pour autant que l’APLC ne remplace pas le Parquet ni les cours et tribunaux, ils sont incapables de dire s’il y a une disposition constitutionnelle ou légale qui interdirait au Président Félix Tshisekedi de créer un service qui assiste le Parquet ou les cours et tribunaux dont les arrêts, jugements et ordonnances sont du reste exécutés au nom du Président de la République.
Si ceux qui font des critiques avaient plus de temps pour s’adonner aux recherches scientifiques que pour rédiger et envoyer des messages de quinze (15) mots par twitter, whatsapp et facebook, ils se seraient aussi rendus compte que la Maison civile du Chef de l’Etat créée par Ordonnance présidentielle no 005 signée par Joseph Kabila en date du 31 janvier 2003 et qui fonctionne encore aujourd’hui est aussi un « service spécialisé » du Président de la République qui émarge au budget de l’Etat.
Recourir à l’article 92 de la Constitution pour denier au Président Félix Tshisekedi le pouvoir de prendre une ordonnance créant un service spécialisé émargeant du budget de l’Etat dénote d’une ignorance des fondamentaux du droit constitutionnel, de grands services publics de l’Etat et aussi du droit des finances publiques qui consacre les principes de l’universalité et de l’unicité budgétaires.
Pour d’autres critiques, l’APLC serait une structure budgétivore, comme si la corruption que l’ancien régime avait normalisée était plus bénéfique aux finances publiques.
Le ridicule ne tuant pas dans un pays que l’on croit frappé par une amnésie collective, l’on n’est pas non plus surpris de voir des anciens gestionnaires de l’Etat qui s’étaient illustrés dans les pratiques des commissions, retro-commissions et dans des actes d’enrichissement illicite ou sans cause se transformer en moralistes et en donneurs de leçons de bonne gouvernance.
En luttant contre la corruption, le blanchiment des capitaux et d’autres crimes connexes commis par les dirigeants et leurs associés, l’APLC peut ramener des millions voire des milliards de dollars américains dans les caisses de l’Etat.
Tel serait le cas si elle pouvait aider, par exemple, à récupérer les biens de l’Etat indûment acquis par les dirigeants, l’argent prêté par le Fonds de Promotion de l’Industrie (FPI) ou les sommes colossales empochées pour la réalisation des projets comme le fameux parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo, l' »immeuble intelligent » de l’Hôtel du Gouvernement, et « l’aéroport multimodal » de Kinshasa.
Comme d’habitude, il s’est trouvé des agents de l’inanition de la Nation pour contester l’urgence de la création de l’APLC afin de laisser perdurer la corruption, les détournements des biens publics et prives, l’enrichissement illicite, le blanchiment des capitaux, le financement du terrorisme et des crimes connexes.
Le Président Félix Tshisekedi devrait être félicité pour avoir compris que l’une de ses priorités au cours de cette année baptisée de l’action devrait être le renforcement des institutions de promotion de l’Etat de droit, spécialement les cours et tribunaux, et la mise en place d’une structure de lutte contre la corruption en vue de servir Le Peuple d’Abord.
Nous avons appris de l’ancien régime que la création d’une fonction comme celle de Conseiller spécial en matière de bonne gouvernance, lutte contre le blanchiment des capitaux et financement du terrorisme n’avait pour objectif que d’amuser la galerie.
Une chose est donc de créer une agence de lutte contre la corruption, une autre est de la doter de moyens logistiques conséquents, d’un personnel intègre qui n’a jamais trempé dans les actes de corruption, et de laisser les gens travailler en toute indépendance dans la prévention et la lutte contre la corruption, peu importe que les auteurs des actes criminels se recrutent parmi les opposants ou au sein de la coalition au pouvoir.
Le Président Félix Tshisekedi a tenu sa parole en posant le premier pas par la création de l’APLC dont l’Ordonnance est conforme à la Constitution et il posera sans nul doute le second. La ferme volonté qu’il a affichée laisse espérer qu’il ne reculera pas comme le peuple congolais le lui demande instamment.
Aucun pseudo-constitutionnaliste ne peut dire quel article de la Constitution, quelle loi interne ou quel instrument de droit international Président Félix Tshisekedi a violé en créant l’APLC ou les autres services spécialisés.
L’on devrait cesser de faire de la politologie en croyant faire du droit constitutionnel au Congo.
Après avoir ratifié la Convention des Nations-Unies contre la corruption, la prochaine étape devra être la ratification de la Convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption de 2003 que le pays a signée depuis plusieurs années.
La RDC doit déployer tous les moyens pour combattre le fléau de la corruption qui, comme le corona virus, menace la vie de la Nation et empêche les Congolais de bâtir au cœur du continent un pays plus beau qu’avant qui serve également de moteur ou de locomotive de la renaissance africaine.
Par Etienne Mulindwa