Par Etienne Mulindwa
Plus de huit mois après la condamnation le 11 janvier 2021 du chef milicien Takungomo Mukambilwa dit « Le Pouce » par le Tribunal Militaire de Garnison de Bukavu, la vie reprend petit à petit dans les villages jadis occupés par le groupe armé Charlequin (groupe auquel il appartenait).
Selon des sources de la société civile dans la chefferie de Wamuzimu, le groupe armé de Charlequin n’est plus très actif dans les villages jadis occupés à savoir Migamba, Bugumbu et Nyamingilingili, groupement de Basimbi, chefferie de Wamuzimu, territoire de Mwenga au Sud-Kivu.
Le Président de cette structure citoyenne Samuel Mukuki, qui revient d’un itinéraire dans certains coins de ces villages indique que le groupe n’a pas été totalement désagrégé mais parle d’une réduction non négligeable de sa capacité de nuisance.
« le groupe existe toujours. Néanmoins, il en reste juste quelques éléments qui sont d’ailleurs coincés très loin dans la brousse. Nombreux d’entre eux se sont revenus d’eux-mêmes à la vie civile. Certes que nous avons mené quelques sensibilisations après l’arrestation et la condamnation de Takungomo mais nombreux ont accepté de déposer les armes. D’ailleurs récemment, nous avons procédé à l’identification de certains d’entre eux afin de nous rassurer qu’on les connait très et au cas il y aurait demain un programme pour leur encadrement mais aussi nous rassurer que nous pouvons contrôler leurs mouvements et éventuellement un probable lien avec ceux qui sont restés dans la brousse », a-t-il expliqué.
Une petite chose qui, peut-être, pourrait redonner à ces criminels une petite force c’est le fait que certains habitants font recours à eux pour régler les comptes aux personnes avec lesquelles ils sont en conflits, regrette Samuel Mukuki.
« malheureusement, nous enregistrons des cas de justice populaire. Lorsque certaines personnes ont des problèmes à régler, ils préfèrent aller vers ce groupe rebelle pour qu’il exerce une pression au lieu de se référer aux autorités locales ou même à la justice. Nous décourageons cette pratique qui est assimilée à la justice populaire. Avec cette pratique, ils peuvent se considérer comme légitime et défenseur des intérêts de la population pourtant c’est une irrégularité ».
Cette version est corroborée par une alerte faite par la chef de la chefferie de Wamuzimu le Mwami Christian Longangi. Selon lui, au Mois d’Avril, ce groupe a tenté de se réorganiser pour occuper leurs anciens bastions.
Plaidant pour un redéploiement des militaires loyalistes pour rétablir l’ordre à Migamba, Nyamingilingili et Bugumbu, le chef de la chefferie de Wamuzimu avait indiqué que ces miliciens commençaient déjà à commettre plusieurs exactions telles que le viol, le vol, des cas de torture et extorsions.
Pour la société civile, il s’agit d’une vaine tentative de réorganisation. Samuel Mukuki estime que si l’Etat prend en main la situation, il y a lieu que ce groupe soit totalement éradiqué. Il parle notamment de l’activation d’un mécanisme pouvant permettre de mettre la main sur le chef de ce groupe, coupe sa chaine de ravitaillement et condamner certains de ces membres comme c’était le cas pour Takungomo.
« après la condamnation de Takungomo, nous avons remarqué un petit changement. En tout cas, je peux l’affirmer, le procès a eu un impact sur la vie de ce groupe. Non seulement nombreux ont déposé les armes mais aussi les éléments résiduels se sont retranchés dans la brousse. Le fait pour ces éléments de faire des incursions dans certains villages c’est juste parce que l’Etat le permet. Nous estimons que si on mettait la main sur deux autres ou trois y compris leur chef et qu’ils soient jugés ici au besoin, ce groupe peut disparaître de lui-même. Il en est de même du renforcement des effectifs militaires et l’amélioration de leurs conditions de vie. On devrait augmenter la capacité offensive pour de meilleurs résultats. D’ailleurs nous déplorons la présence des cohortes des militaires dans les sites miniers ici chez-nous pourtant c’est interdit par les textes du Pays. Au lieu de sécuriser les personnes et leurs biens, car c’est celle-là leurs missions, ils sont dans les sites miniers pour sécuriser ces étrangers qui pillent nos minerais sans aucune contrepartie malheureusement. Nous exigeons que cela cesse car nous avons besoin de construire et nous développer dans la paix »¸explique Samuel Mukuki.
Tout en saluant les efforts fournis par la justice et les organisations impliquées dans la lutte contre l’impunité des crimes internationaux, la société civile de Wamuzimu veut voir des actions concertées être organisées afin d’aboutir à plus de résultats et que les victimes soient rétablies dans leurs droits.
Samuel Mukuki appelle par ailleurs ces éléments restés dans la brousse à rejoindre le processus de démobilisation. Il leur rappelle que deux possibilités leur sont offertes. C’est soit servir sous le drapeau s’ils veulent rester militaires ou alors intégrer la vie civile au lieu de continuer à vivre en marge de la loi.