Par Etienne Mulindwa
C’est depuis le 02 septembre 2024 que tous les élèves des écoles maternelles, primaires et secondaires devaient reprendre les cours pour la nouvelle année scolaire conformément au calendrier scolaire fixé par le gouvernement de la République Démocratique du Congo.
Depuis lors, dans presque toutes les provinces de la RDC et au Sud-Kivu en particulier, l’affaire est laissée entre les mains des écoles privées. Aucune école primaire officielle et conventionnée n’a ouvert ses portes pour accueillir les élèves.
Seuls dans les cours intérieures des écoles, les gestionnaires se sont retrouvés face aux enfants mais sans un seul enseignant au jour de la rentrée le 02 septembre dernier.
Les professionnels de la craie, à travers leurs syndicats, ont décidé d’entrer en grève pour exiger le respect des accords signés avec le gouvernement central au sujet de l’amélioration de leurs conditions de vie.
Ce que demandent les enseignants :
En clair, disent les syndicalistes « Nous demandons la suppression des zones salariales ». Il s’agit d’un système instauré par le gouvernement et selon lequel les salaires des enseignants sont fixés selon que ces derniers sont dans la capitale Kinshasa, Lubumbashi, Bukavu (bref : dans de grandes villes) ou dans les territoires de l’intérieur du Pays.
« nous voulons l’admission sous statut ou l’octroi des numéros matricule de la fonction publique aux enseignants ; la prise en charge de nouvelles unités et des enseignants non payés. Nous demandons la majoration de nos salaires jusqu’à 500 dollars », peut-on lire dans différents mémorandums et cahiers de charge qui servent de base pour les revendications.
Après d’âpres négociations, le gouvernement a mordu à l’hameçon en précisant que ces revendications trouveraient des réponses de manière progressive. Déjà, a annoncé le gouvernement, une somme de 50.000 à 100 000 dollars sera ajoutée pour ce début soit le premier trimestre allant de septembre à décembre 2024.
Ces assurances n’ont pas enchanté les enseignants qui se disent habitués aux promesses souvent non tenues par le gouvernement. C’est ainsi qu’ils décideront de ne pas reprendre les cours et de revenir à leur décision lorsque cela sera effectif.
Les menaces du gouvernement aux syndicalistes et gestionnaires d’écoles
Depuis le début de cette grève, aucune rencontre n’a été organisée par le gouvernement autant national que provincial. Plus de 35 jours après, les enseignants ne désarment pas et le gouvernement tente de trouver une solution loin des grévistes.
Incapable de trouver des solutions ou alors de convaincre les enseignants à reprendre les cours, le gouvernement tente de mettre la pression sur ces derniers notamment en menaçant de les déclarer déserteurs ou alors de couper leurs salaires estimant qu’ils continuent de les toucher sans prester.
Dans un communiqué de service à l’intention des directeurs provinciaux de la Direction Nationale de Contrôle, de la Préparation de la Paie et de la Maîtrise des Effectifs des Enseignants et du Personnel administratif des Etablissements scolaires DINACOPE en sigle, son secrétaire général recommande un contrôle physique.
Papy Mangobe Moleka demande aux directeurs provinciaux de procéder « au contrôle physique systématique des enseignants dans tous les établissements secondaires et de signaler tous les cas d’absences non justifiée qui seront considérées comme des désertions et traités comme tels ».
Alors que cela a été pris comme une menace par les syndicalistes, dans les provinces, les autorités ont appuyé sur l’accélérateur. Au terme d’une réunion tenue mercredi dernier au Sud-Kivu et présidée par la ministre provinciale de l’éducation, les gestionnaires d’écoles ont décidé de reprendre les cours ce lundi 14 octobre 2024.
Un jour après cette réunion soit le jeudi 10 octobre, ce sont les enseignants qui vont se réunir dans une assemblée générale extraordinaire afin de tabler sur la suite à réserver à la décision des gestionnaires d’écoles, aux menaces que subissent les syndicalistes et la suite de la grève.
Au terme de cette assemblée générale, les professionnels de la craie qualifient de non-événement la décision des gestionnaires d’écoles. Pour eux, les gestionnaires d’écoles n’ont jamais déclaré la grève pour la lever.
Face aux menaces que subissent les syndicalistes, les enseignants rappellent que leurs revendications sont claires et le gouvernement devrait plutôt déployer les efforts à y apporter des solutions au lieu de s’en prendre aux individus tels que Jacques Chirimwami, du Syndicat National des Enseignants des Ecoles Catholiques au Sud-Kivu qui est également porte-parole de la synergie.
Bien plus, les enseignants annoncent un sit-in à la sous-division provinciale de l’EPST le lundi 14 octobre pour poursuivre les revendications et manifester leur opposition aux pratiques qualifiées de dictatoriales que veulent adopter les autorités face aux revendications bien claires.
La légèreté du gouvernement
Entre temps, les enfants sont contraints de rester à la maison. Plusieurs acteurs sociaux accusent le gouvernement de traiter cette question avec légèreté. « nous estimons que c’est le gouvernement qui est responsable de tout cela. Nous savons que le gouvernement est composé des personnes dont les enfants et membres des familles étudient à l’étranger et dans des écoles privées, c’est pourquoi ils ne se soucient en rien de la situation que traversent les enseignants et des conséquences de cette grève sur nos enfants. Nos enfants souffrent énormément et l’éducation est aujourd’hui abandonnée. Vous vous êtes en ville et c’est peut-être pourquoi vous ne voyez pas l’ampleur de cette situation. Ici chez-nous on souffre et on ne sait pas à qui s’adresser. Nos autorités sont insensibles et se fichent de ce qui peut nous arriver demain. On veut tous nous réduire à l’esclavage. Le Président devrait s’assumer ou alors nous laisser payer les frais de scolarisation de nos enfants nous-mêmes. Nous en avons assez », s’exclame un parent rencontré à Irambira, groupement de Lugendo dans le territoire de Kabare.