Par Etienne Mulindwa
Les creuseurs artisanaux œuvrant dans le site minier de Luhihi dans le territoire de Kabare dénoncent les traitements qui leur sont réservés par certains services de l’Etat commis dans ce site minier mais également des militaires qui s’immiscent dans les activités minières.
Dans un entretien avec certains de leurs représentants sur place à Luhihi, ces creuseurs artisanaux expliquent qu’avant la suspension des activités par le Gouverneur de Province, les creuseurs étaient soumis à un traitement ne favorisant pas leur épanouissement.
Ils expliquent que les petits exploitants ne sont pas considérés par l’administration des mines et que seuls sont protégés, les grands acheteurs des minerais souvent impliqués dans une fraude à grande échelle.
C’est ainsi qu’ils parlent des personnes spécialisées dans l’achat des colis « bandits » ; des personnes qui ne viennent que lorsqu’elles apprennent, via certains services étatiques, que les puits sont sur le point de produire des matières premières.
« ce qui se passe dans les carrés miniers d’ici à Luhihi, c’est vraiment étonnant et particulier. Je ne suis pas natif de Luhihi et j’ai déjà travaillé dans plus de cinq territoires à la recherche des minerais. Depuis tout ce temps, je n’ai jamais vécu ce qui se passe ici à Luhihi. Ici il y a un désordre indescriptible. Parfois des ingénieurs viennent et font le mesurage. Ils vous disent voilà les limites de votre puits. Tu travailles durant des jours et des nuits. Tu dépenses ton argent pour payer les creuseurs et parfois c’est de l’argent emprunté auprès d’une institution de micro finances. Mais lorsque le puits montre déjà les signes de pouvoir produire de l’or, la carte change… vous voyez des gens qui viennent vous dire que ce puits appartient à tel Général au sein de l’armée ou de la Police. Ils t’étouffent pourtant tu es le propriétaire de puits. Ici, il y a des personnes spécialisées dans l’achat des colis bandits. Tu as déjà travaillé durant des années mais il y a des personnes qui partent pour bombarder ce puits durant la nuit et partent avec toutes les matières précieuses », se plaint Murhula Mango Daniel, PDG d’un puits à Luhihi.
Lire aussi Sud-Kivu: la fermeture du site minier de Luhihi profite aux éternels fraudeurs des minerais
Egalement responsable de plus de 50 creuseurs artisanaux travaillant dans les carrés miniers de Luhihi, Mr Bachoke Jacques explique que malgré ce traitement, ceux qui en sont victimes n’ont aucun droit de revendiquer.
« les petits citoyens n’ont rien à dire ici. Ils n’ont nulle part où ils peuvent revendiquer. Plusieurs parmi les personnes qui ont vu leurs colis être volés ou irrégulièrement vendus mais aussi leurs puits être exploités sans leur consentements ont décidé de fuir car ils se sentent en insécurité. Ceci parce que l’on se rend compte que cela risque de se transformer en minerais de sang. En réalité, nombreux dont les puits manifestent des signes prometteurs ne reviennent plus le lendemain car ils sont recherchés pour être tués. Parfois ils décident carrément de ne plus revenir. Il s’agit d’une catégorie de personnes bien connues mais personne ne peut se prononcer car on s’expose à la mort », explique cet homme d’une trentaine d’années originaire du groupement de Kamanyola dans le territoire de Walungu.
Rappelons que les activités minières ont été suspendues dans le site minier de Luhihi le 1er Mars 2021 par le Gouverneur de province Théo Ngwabidje Kasi. Lire ici Sud-Kivu: le Gouverneur Théo Ngwabidje suspend les activités dans les sites miniers de Luhihi
Dans un arrêté signé dans ce sens, l’autorité provinciale justifie cette mesure par la nécessité de remettre de l’ordre dans l’exploitation minière à Luhihi et ses environs pour préserver non seulement les vies humaines mais aussi la traçabilité de la production de ces sites conformément à la loi et aux autres instruments juridiques en vigueur en la matière.
L’autre motif évoqué est le fait que les services étatiques habilités à exercer dans les sites miniers ne savent plus remplir correctement leurs missions suite aux désordres occasionnés par les militaires et policiers présents dans les sites miniers de Luhihi.
Signalons que quelques jours après la signature de cet arrêté, les creuseurs artisanaux de Luhihi ont fustigé la poursuite des activités de manière clandestine par des personnalités « hautement placées » avec la bénédiction de certains services étatiques et cela pendant les heures de nuit.