La société civile du Sud-Kivu dénonce les conditions de détention « extrêmement précaires » observées dans plusieurs prisons et cachots de la province du Sud-Kivu.
A l’issue d’une visite effectuée dans plusieurs maisons carcérales de la province, du 21 au 26 septembre 2020, cette structure citoyenne dit avoir constaté avec regret des conditions de détention « inacceptables », car les détenus passent plusieurs jours sans manger, d’autres n’accèdent pas aux soins de santé et plusieurs personnes placées en détention sans être jugées.
Selon Jackson Kalimba, président intérimaire du bureau urbain de la société civile du Sud-Kivu, certaines prisons sont considérées comme des « véritables mouroirs »
« C’est vraiment anormal, les risques de décéder en prison sont élevés. Nous avons observé des déficiences graves. Les détenus mangent rare de fois, l’hygiène est catastrophique, des détenus malades n’ont pas des médicaments. Il y a des prisons où les détenus ne vivent que des dons ou apostolats des chrétiens. C’est le cas à la prison centrale de Kabare, Kalehe et Kamituga. Les chiffres à notre possession font état d’au moins 45 détenus décédés depuis janvier 2020 au Sud-Kivu suite aux mauvaises conditions de détention et traitements cruels, inhumains ou dégradants et même l’usage de la torture. Les droits de détenus ne sont pas respectés », a-t-il expliqué à Radio Maendeleo.
IL souligne cependant que plus de 700 personnes sont en détention depuis maintenant plus de 5 ans sans être devant un juge ou un tribunal. Jackson Kalimba appelle les autorités politico-judiciaires à agir dans l’urgence pour mettre fin à cette situation.
Interrogé, un détenu affirme qu’il a été placé en détention sans connaitre même le motif de son arrestation
« J’ai suis en détention depuis 2012. Je n’ai jamais été jugé et je ne sais pas d’ailleurs pourquoi j’ai été arrêté. Pour que les membres de ma famille me rendent visite ici, ils doivent payer 1.000 voire 1.500 francs congolais par individu avant d’entrer. A mon arrivée dans cette prison, j’ai été obligé de vider la fosse septique avec mes mains. Par semaine je dors débout 3 fois pour donner la place aux autres », a révélé un détenu de la prison centrale de Bunyakiri à Kalehe.
Par ailleurs, un autre détenu souligne qu’il est tombé malade il y a plus de 5 mois et il n’a reçu aucune assistance médicale.
« Je suis abandonné, tout celui qui tombe malade dans cette prison ne s’attend qu’à la mort. Mon corps a tellement changé, J’ai des boutons partout. Je suis rejeté même par mes collègues prisonniers. Je ne sais pas quoi faire et à quel saint me vouer », a déclaré Cirhuza Mugisho, détenu à la prison centrale de Kabare.
Contacté, Maitre Pascal Mupenda, avocat au barreau de Bukavu regrette cette situation que traversent les détenus dans les prisons du Sud-Kivu.
« Le principe est que la liberté c’est la règle et la détention c’est l’exception. Dommage de constater que des milliers des personnes ont été placées en détention sans être jugées. Cette situation est une violation grave des lois de notre pays. C’est comme l’article 28 du code de procédure pénale qui n’est pas respecté. C’est qui est pire, nous avons constaté lors de notre inspection à la prison de Kalehe, que plusieurs personnes placées en détention pour des faits bénins passent plusieurs années sans même être jugés », a-t-il déclaré
Maitre Pascal Mupenda appelle le parquet général du Sud-Kivu à intensifier les visites ou inspections des milieux carceraux afin de corriger ces irrégularités. Il invite aussi les juges et les magistrats au bon sens en évitant les arrestations de la recherche de l’argent.
IL rappelle par ailleurs que les droits à l’alimentation saine, à l’’hygiène, à la visite et aux soins de santé doivent être garanties aux détenus.
Il sied de rappeler que dans rapport du mois d’avril 2004, la section des droits de l’homme des Nations Unies en RDC MONUSCO (ex MONUC) avait conclu que le diagnostic de l’état des droits de l’homme dans le système pénitentiaire congolais est extrêmement alarmant. Ce rapport avait recommandé le renfoncement du contrôle sur le respect des procédures en matière d’arrestation et de détention mais aussi l’instruction aux officiers du Ministère Public pour qu’ils assument leurs responsabilités afin de relever rapidement les cas d’arrestations arbitraires et de détentions illégales et de les régulariser au fur et à mesure.
Par Déogratias Cubaka