Par Etienne Mulindwa
Le ministère public en tant qu’organe poursuivant propose que soient condamnés les prévenus Donat Kengwa Omari et son complice Amani Ndeko Thierry pour des préventions de direction, organisation et commandement d’un mouvement insurrectionnel et des crimes contre l’humanité par viol, par tortures, et par autres actes inhumains.
Ce réquisitoire a été prononcé par l’organe de la loi après près de deux semaines d’instruction à l’occasion des audiences foraines organisées en chambre foraine par le Tribunal Militaire de Garnison de Bukavu d’abord dans le groupement de Miti en territoire de Kabare puis à Walungu dans le territoire éponyme.
Dans son réquisitoire, le ministère public a démontré que le groupe dirigé par Donat Kengwa Omari a opéré de manière systématique et intentionnelle dans plusieurs villages qu’il contrôlait lui-même ou travers ses sous-groupes, dans les territoires de Shabunda et Kalehe.
S’appuyant sur les déclarations des victimes avant comme pendant l’instruction ainsi que d’autres rapports et éléments d’enquêtes réalisées, le ministère public a démontré que ces attaques contre des villages entiers ont abouti aux viols des centaines de personnes qui se sont identifiées et d’autres non par crainte de stigmatisation.
En plus des viols, les éléments des groupes sous le contrôle de Donat Kengwa Omari et lui-même ont commis des crimes contre l’humanité par tortures et actes inhumains notamment le pillage, destruction des biens, déportation et incendies des maisons.
Confrontant les faits de la cause au droit positif congolais et au droit international humanitaire, le ministère public a demandé au Tribunal de dire recevable en fait comme en droit les préventions de crimes contre l’humanité à l’endroit de Donat Kengwa Omari et Amani Ndeko ainsi que la direction, l’organisation et le commandement d’un mouvement insurrectionnel contre le premier seulement.
Pour ce qui est des parties civiles, le ministère public a demandé au tribunal de condamner les prévenus solidairement avec l’Etat congolais au paiement des dommages et intérêts dont le taux sera fixé par le Tribunal payables dans les huit jours et, à défaut de paiement, la contrainte par corps de 30 jours.
Déjà la veille, les avocats des parties civiles avaient plaidé dans le même sens en démontrant les souffrances physiques et morales qu’ont subi les victimes parmi lesquels les chefs des villages qui étaient contrôlés par le prévenu.
Se pliant au réquisitoire du ministère public, les avocats des parties civiles ont émis le vœu de voir les condamnations être prononcés à l’égard des prévenus avec l’espoir de dissuader d’autres rebelles encore dans la brousse et qui se permettent des commettre des exactions contre les paisibles populations.
La défense des prévenus
Dans leur défense, les avocats des prévenus sont allés dans le sens des déclarations de leur client Donat Kengwa Omari qui déclarait depuis le début du procès que le dossier était constitué des mensonges et qu’il s’agissait d’un simple montage des ONGs.
Alors que le prévenu Donat Kengwa Omari avait reconnu avoir créé le mouvement Forces Populaires de Paix FPP, les avocats vont démonter qu’au regard du droit, l’infraction de participation à un mouvement insurrectionnel ne saurait être retenue au même titre que les attaques généralisées contre des villages.
Ils ont également démontré des incohérences entre les déclarations des victimes, les faits tels qu’exposés par le ministère public et la dynamique de l’instruction concluant que même si les faits auraient été commis, rien ne prouve qu’ils seraient imputés aux éléments de Donat Kengwa Omari ou lui-même.
Ils ont alors sollicité au Tribunal de déclarer non établies en fait comme en droit les faits contextuels, la responsabilité pénale, les crimes contre l’humanité par viol, torture et autres actes inhumains ainsi que la prévention de participation à un mouvement insurrectionnel.
Alors que le ministère public a demandé au tribunal de condamner les prévenus sans admission des circonstances atténuantes, leurs avocats les réclamées dans l’hypothèse où leur client serait reconnu coupable.
Ces avocats justifient ces très larges circonstances atténuantes par le fait que le prévenu Donat a été très coopératif avec le Tribunal, que c’est un délinquant primaire et pour ses loyaux services rendus à la Nation pour avoir combattu les FDLR.
Au total, septante et une (71) victimes ont déposé auprès du Tribunal sur les 363 identifiées. Dans les dernières déclarations, le prévenu Donat Kengwa Omari a dit se plier aux conclusions de sa défense au même titre que Amani Ndeko Thierry qui a néanmoins ajouté qu’il ne connaissait même pas ceux qui l’accusaient.
Après avoir écouté toutes les parties, le Tribunal a pris l’affaire en délibéré et annoncé que le jugement sera rendu ce lundi 04 novembre 2024 toujours à Walungu.
L’appui des partenaires
Ces audiences en chambre foraine sont organisées avec la facilitation de Trial International dans le cadre de la Task Force Justice Pénale Internationale, un réseau coordonné par le Bureau Conjoint des Nations Unies aux Droits de l’Homme BCNUDH et qui regroupe des acteurs nationaux et internationaux œuvrant pour la poursuite des crimes les plus graves.
Trial International a appuyé les ONG congolaises qui ont fourni une sensibilisation et un accompagnement aux victimes pour qu’elles puissent participer au procès et à coordonner le travail du collectif d’avocats qui représente les victimes tout au long de la procédure judiciaire.