Près d’une année après la condamnation de deux miliciens du groupe Mai-MaiHAMAKOMBO à savoir CHABWIRACHIRABISA Isaac et DieumeMUNONO BABIKA, les victimes attendent avec impatience l’issue de la procédure en appel afin de bénéficier de manière effective des réparations.
Condamnés à 20 ans de servitude pénale principale en octobre 2020 par le Tribunal Militaire de Garnison de Bukavu à l’issue de dix jours d’audiences en chambre foraine au terrain d’IHUSI, en territoire de KALEHE, ces deux miliciens avaient été reconnus coupables de crimes contre l’humanité par meurtre, viol, esclavage sexuel, torture et autres actes inhumains, pillage et destruction ; faits commis entre 2016 et 2018 dans plusieurs villages de Bunyakiri à savoir Katubiro, Kambali, Myowe, Kafunda, Chabunda, Mafugo et Chikowa en territoire de KALEHE.
Près d’une année après, plusieurs changements ont été observés dans le mode de vie des victimes et le niveau de nuisance des éléments résiduels du groupe RaiyaMutomboki du chef rebelle HAMAKOMBO. A l’opposé, les victimes sont toujours en attente des réparations.
Selon Me. Gentil AKILIMALI, Secrétaire Exécutif de l’organisation Centre d’Espoir pour les Droits Humains, CEDH en sigle, le jugement rendu en première instance a été accueilli avec pleine satisfaction par les victimes et cela leur avait donné un nouvel espoir de vie.
Il souligne que :« avec notre organisation CEDH, nous avons accompagné les victimes du début de la phase pré juridictionnelle jusqu’à l’après-procès en première instance. Je dois dire que les victimes ne pensaient pas un seul jour que de tels seigneurs de guerre pourraient être réduits au silence. Déjà avec l’arrestation seulement, les victimes commençaient à avoir de l’assurance » et de poursuivre en citant les mots d’une des victimes « c’était des tout puissants et quant il fallait parler d’eux, personne ne pouvait plus hausser la voix. Nous vivions une terreur terrible et c’est seulement le manque des moyens qui nous empêchait à nous enfuir. Donc pour nous, c’était une satisfaction la condamnation ».
Sur le terrain à Bunyakiri, des sources de la société civile affirment que le niveau de nuisance des éléments résiduels du groupe armé HAMAKOMBO a sensiblement baissé après l’arrestation suivie de la condamnation de certains de leurs.
Le Président de la société civile locale, Mr Didier KITUMAINI renseigne que plusieurs de ces éléments se sont retirés plus loin dans la brousse, d’autres se sont transformés en creuseurs artisanaux des minerais et d’autres encore ont pris la direction d’autres territoires.« Je ne peux pas dire qu’ils sont totalement anéantis. Néanmoins je dois dire que la force nocive de ce groupe a sensiblement baissé. Je suis descendu plus d’une fois dans les villages jadis occupés par ces miliciens, j’ai remarqué que les gens vivaient paisiblement et nombreux étaient retournés. On peut parler de la paix actuellement même si elle reste précaire sachant que les éléments FARDC y sont très faiblement déployés », explique-t-il.
L’attente des victimes
Après le jugement en première instance, rendu par le Tribunal Militaire de Garnison de Bukavu en date du 06/10/2020, les avocats des prévenus avaient interjeté appel à la Cour Militaire du Sud Kivu, conformément aux prescriptions du code de procédure pénale.
Me Andy MAHYUZA, l’un des avocats des accusés explique, sans beaucoup de détails, que le dossier est en appel et suis son cours normal et il était d’abord question de régulariser la saisine avant d’autres étapes.
De son côté, Me Gentil AKILIMALI (secrétaire exécutif de CDEH), ajoute que deux audiences ont déjà été organisées et à la troisième, les victimes devraient comparaître mais le manque des moyens logistiques et financiers n’a pas permis le déplacement et la prise en charge de ces dernières qui proviennent de loin. « Pour l’instant, le dossier n’est pas classé prioritaire », lâche-t-il.
Il rassure néanmoins qu’un jugement avant dire droit a déjà été rendu pour la protection des victimes en codifiant leurs noms et que les avocats disposent déjà des procurations spéciales signées par les victimes elles-mêmes.
Me Gentil AKILIMALI regrette néanmoins le fait que les partenaires soient suffisamment engagés à accompagner les victimes lorsque les dossiers sont encore au premier degré mais une fois au deuxième degré, l’on observe un faible engagement. « au premier degré, nous voyons les partenaires fortement engagés pour la cause des victimes. Cela donne un grand espoir. Malheureusement une fois au degré d’appel, cet engagement s’amoindrit de plus en plus. Cette situation comporte plusieurs conséquences. En effet, les dossiers sont traités avec négligence et parfois même oubliés. Cela retarde les décisions de justice et les réparations au profit des victimes. Les victimes sont parfois déçues et s’en prennent à nous qui les accompagnons. Elles pensent que c’est nous qui sommes le blocage à cela. Parfois, et c’est ce qui arrive souvent, les victimes se sentent abandonnées ».
Cet avocat cite des cas comme le dossier KAMANANGA qui est fixé à la Cour Militaire depuis 4 ans sans aucune évolution. Ce dossier opposait le Ministère public à deux sujets FDLR à savoir KIZITO RUGAMBA alias Kabumbure et « Fidèle CASTRO ».
Tout en fustigeant le comportement des animateurs des Cours et Tribunaux qui traitent les dossiers sans respecter le principe de célérité, Me Gentil AKILIMALI appelle l’Etat congolais à mettre en place un programme de réforme du secteur de la justice qui prenne en compte tous ces défis.
En ce qui concerne l’état d’esprit des victimes dans cette attente, notre source parle d’une sérénité en même temps qu’une angoisse. La sérénité, explique-t-il, c’est parce qu’il y a eu condamnation au premier degré et angoisse parce qu’elles ne sont pas sûres de la suite surtout la mission de briefing tarde à se réaliser.
Article rédigé avec le soutien et l’appui financier de RCN Justice et Démocratie (RCN J&D)
Par Etienne MULINDWA.