Par Etienne Mulindwa
Ce vendredi 16 Mai 2025 marque le troisième mois depuis que la ville de Bukavu est entre les mains de l’Alliance Fleuve Congo M23. En effet, c’était un dimanche 16 février tôt le matin que les militaires de l’AFC/M23 ont fait leur entrée dans la ville.
Trois mois après, le mouvement ne cesse de consolider ses positions dans la ville comme dans certains territoires mais le contexte économique et social dans les zones conquises est particulier.
Tout avait commencé le mercredi 12 février lorsque s’intensifiaient les combats ayant abouti à la chute du centre de négoce de Ihusi et celui de Kalehe dans le territoire éponyme, deux entités qui constituaient le dernier vérou des Forces Armées de la République Démocratique du Congo.
Les informations vont alors circuler un peu partout indiquant que les troupes de l’AFC/M23 avançaient sur Bukavu. Tôt le matin de vendredi 14 février alors qu’on célébrait la Saint Valentin, une débandade sans précédent va être vécue à Bukavu.
Des colonnes des militaires à pieds comme dans des véhicules seront vues fuyant vers la partie sud la province particulièrement vers Nyangezi et Uvira pendant que les officiels prenaient la direction du Burundi voisin.
Ainsi tombait, sans combats, les entités comme Katana et l’aéroport de Kavumu puis un jour après la ville de Bukavu. Trois mois après, l’AFC/M23 a réussi à mettre en place des administrations notamment à Bukavu, à Kabare, à Kalehe, à Idjwi et à Walungu.
Sur le plan sécuritaire, les trois mois n’ont jamais été de tout repos avec principalement des poches de résistance un peu partout où les Wazalendo et quelques éléments FARDC continuent de combattre et de s’opposer à la conquête d’autres entités.
En clair, la gestion de la province est partagée entre la partie gouvernementale et celle du mouvement AFC/M23. Toujours sur le plan sécuritaire, les premiers jours ont été de tous les cauchemars pour les habitants de Bukavu mais actuellement l’on rapporte une certaine évolution.
Il faut néanmoins noter des attaques dans plusieurs ménages et dans des maisons où se font les transactions d’argent, des attaques attribuées aux hommes armés non identifiés et qui se soldent par des morts d’hommes.
Sur plan économique et social, la vie semble reprendre pour certains mais pour la plupart, la situation devient de plus en plus intenable. Des milliers d’habitants ont été contraints au chômage avec notamment l’arrêt des activités de plusieurs organisations nationales et internationales, la fermeture des banques et l’inactivité des principaux services étatiques.
A ceci s’ajoute le non-accès aux épargnes logées dans différentes institutions de micro finances et dans les banques commerciales, ce qui a bloqué plusieurs projets personnels ou mieux ramené à plusieurs années en arrière les planifications de plusieurs habitants.
Des parents évoquent d’énormes difficultés à nourrir leurs familles ou encore à prendre en charge la scolarité de leurs enfants. Des témoignages concordants évoquent des familles qui passent les nuits entières sans quelque chose à mettre sous la dent.
Il faut par ailleurs noter un retour progressif des activités dans différents marchés, la reprise des activités de loisirs comme les Karaokés et autres mais aussi l’ouverture régulière des boîtes de nuit et autres maisons de vente des bières.
Bien plus, un trafic important s’effectue entre la RDC et des Pays voisins d’où sont importés certains biens à l’instar des bières rwandaises et burundaises qui font désormais le plein sur le marché de Bukavu.
Ce trafic génère d’importantes sommes d’argent mais l’impact reste zéro dans le panier de la ménagère ou encore sur le plan des infrastructures dont la plupart sont en délabrement très avancé et des chantiers jadis actifs restent aux arrêts.
Actuellement, des regrets sont aujourd’hui exprimés par les habitants pour avoir vandalisé les installations de la BRALIMA, une unité qui contribuait sensiblement à l’économie de la province et faisait vivre des centaines de familles.
L’isolement de la ville de Bukavu du reste de ses territoires est également un facteur qui a mis à terre plusieurs économies surtout pour les personnes exerçant des trafics réguliers. Dans certains territoires à l’instar de Shabunda, Fizi et Mwenga, l’on parle carrément d’une asphyxie provoquée par la situation actuelle.
A ce sujet encore, il faut désormais passer par autant de Pays pour atteindre la capitale Kinshasa et cela après avoir déboursé une somme importante d’argent en plus des documents spéciaux à obtenir, les aéroports de Kavumu et Goma étant toujours fermés
Toujours sur plan socio-économique, l’on rapporte des tracasseries de la part de certaines personnes qui se présentent comme membres de l’AFC/M23 dans différents marchés et même dans des boutiques et magasins. Il en est de même de certains abus qui se traduisent par des violations des droits humains à travers notamment les intimidations, les tortures et des taxes illégales.
Sur le plan de l’assainissement, il faut noter une réussite de nouvelles autorités. En effet, les travaux communautaires communément appelés Salongo sont désormais réguliers et ont transformé tant soit peu l’image de plusieurs avenues de Bukavu.
Il en est de même de la volonté affichée de mettre fin aux marchés pirates et aux embouteillages dans certaines parties de la ville, se réjouissent plusieurs habitants.
En clair, difficile pour l’instant de dire que les trois mois ont été passés dans le bonheur pour les personnes vivant dans les zones dites libérées mais dans l’opinion les avis sont divergents.
Une chose qui semble unanime, c’est que les populations ne veulent rien d’autre que la réunification du Pays et le retour à la normale afin de relancer comme il faut leurs activités.
Entre temps, les initiatives visant à rapprocher les deux antagonistes pour le retour de la paix ont été entamées à Doha au Qatar comme aux Etats Unis. Si très peu d’informations filtrent à ce sujet, il faut noter néanmoins quelques avancées notamment la signature d’une déclaration des principes à partir des Etats Unis.