Par Etienne Mulindwa
Le 30 mars 2021, la Chambre d’appel de la Cour pénale internationale (« CPI » ou « la Cour ») a rendu ses arrêts confirmant, à la majorité, la décision de la Chambre de première instance VI (« Chambre de première instance ») du 8 juillet 2019 déclarant Bosco Ntaganda coupable de 18 chefs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, commis en Ituri, en République démocratique du Congo, en 2002-2003.
En outre, la Chambre d’appel a confirmé, à l’unanimité, la décision de la Chambre de première instance du 7 novembre 2019 ayant condamné M. Ntaganda à un total de 30 ans d’emprisonnement. Le verdict et la peine sont désormais définitifs.
- Ntaganda et le Procureur avaient fait appel du verdictet M. Ntaganda avait fait appel du jugement sur la peine. Lors de l’audience d’aujourd’hui, le juge Howard Morrison, juge président dans ces appels, a lu un résumé des arrêts en audience publique en présence de M. Ntaganda. En raison des restrictions liées au COVID-19, l’arrêt a été prononcé lors d’une audience partiellement virtuelle, avec la participation soit depuis le siège de la Cour soit en dehors de la Cour.
La Chambre d’appel a conclu que M. Ntaganda n’avait pas démontré que son droit à un procès équitable avait été violé et a également conclu qu’en condamnant M. Ntaganda, la Chambre de première instance n’avait pas excédé les faits et circonstances décrits dans les charges.
La Chambre d’appel a également rejeté sa contestation de la conclusion de la Chambre de première instance selon laquelle les crimes pour lesquels il avait été jugé pénalement responsable faisaient partie d’une attaque lancée à l’encontre d’une population civile, en application ou dans la poursuite de la politique d’une organisation.
Elle a en outre rejeté la contestation par M. Ntaganda des conclusions de la Chambre de première instance sur la co-perpétration indirecte. La Chambre d’appel a également conclu que la Chambre de première instance avait fourni une évaluation raisonnable des éléments de preuve concernant la connaissance et l’intention de M. Ntaganda des crimes de viol et d’esclavage sexuel d’individus de moins de 15 ans, d’enrôlement et de conscription d’enfants de moins de 15 ans et de leur utilisation pour les faire participer activement à des hostilités, et en relation avec les crimes restants.
La Chambre d’appel a également rejeté les moyens d’appel du Procureur concernant l’interprétation du terme « attaque » figurant à l’article 8-2- e- iv du Statut de Rome.
Concernant l’appel contre la peine, la Chambre d’appel a rejeté la contestation par M. Ntaganda de l’évaluation par la Chambre de première instance de son degré de participation et de connaissance des crimes, y compris le crime d’esclavage sexuel et de viol de civils.
De même, les contestations de M. Ntaganda à l’égard de l’appréciation par la Chambre de première instance des circonstances aggravantes présumées (liées au crime de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile) et des circonstances atténuantes (y compris les souffrances et la discrimination qu’il a subies du fait de son expérience du génocide rwandais) ont également été rejetées.
En particulier, en ce qui concerne cette dernière, la Chambre d’appel a estimé que l’expérience personnelle de M. Ntaganda dans le génocide rwandais ne pouvait pas diminuer sa culpabilité compte tenu de son comportement criminel et de la gravité des crimes pour lesquels il a été condamné.
La Chambre d’appel dans ces appels était composée du juge président Howard Morrison, du juge Piotr Hofmański, de la juge Luz del Carmen Ibáñez Carranza, de la juge Solomy Balungi Bossa et du juge Chile Eboe-Osuji.
Des opinions séparées ont été jointes aux arrêts de la Chambre d’appel. Dans leurs opinions, les juges Hofmański, Morrison, Eboe-Osuji et Bossa discutent la signification du terme « attaque » au sens de l’article 8-2-e-iv du Statut. Dans son opinion, le juge Morrison discute de la co-perpétration indirecte.
Dans son opinion, la juge Ibáñez examine les éléments contextuels des crimes contre l’humanité, en particulier l’exigence d’une politique d’un État ou d’une organisation de commettre une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile, et la co-perpétration indirecte en tant que mode de responsabilité inscrit dans l’article 25-3-a du Statut.
Enfin, dans son opinion, le juge Eboe-Osuji discute de l’utilisation de déclarations enregistrées antérieurement, de la co-perpétration indirecte et de l’interprétation juridique d’un État ou d’une organisation pour commettre une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile.
Contexte: Le procès de M. Ntaganda s’est ouvert le 2 septembre 2015. Le 8 juillet 2019, la Chambre de première instance VI de la CPI a déclaré Bosco Ntaganda coupable de 18 chefs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, commis en Ituri, RDC, en 2002-2003, à savoir, des crimes contre l’humanité suivants : meurtre et tentative de meurtre, viol, esclavage sexuel, persécution, transfert forcé de population et déportation ; et de crimes de guerre suivants : meurtre et tentative de meurtre, le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile, viol, esclavage sexuel, le fait d’ordonner le déplacement de la population civile, enrôlement et conscription d’enfants de moins de 15 ans et leur utilisation pour les faire participer activement à des hostilités, attaques contre des biens protégés, et destruction de biens appartenant à l’adversaire. Le 7 novembre 2019, il a été condamné à une peine totale de 30 ans d’emprisonnement.
Le 8 mars 2021, la Chambre de première instance VI a rendu son ordonnance de réparation aux victimes à l’encontre de M. Ntaganda, qui sera mise en œuvre par le biais du Fonds au profit des victimes.
Communiqué de presse CPI